Résumé

Y-aura-t-il compétition ou complémentarité entre l’IA et l’homme ? La grande question de l’acceptabilité de l’IA par le grand public n’est-elle pas en réalité celle de la préservation de l’employabilité par les humains, désormais en concurrence avec les nouvelles compétences des machines. Quand on sait que l’opposition entre le progrès technologique et les habitudes sociales se fait toujours en faveur du premier, il est essentiel de poser la question des compétences, au regard de cette nouvelle révolution industrielle. Si la machine devient chaque jour plus autonome et réalise de plus en plus de tâches cognitives complexes, que reste-t-il alors aux humains ? Quelles compétences faudra-t-il développer pour décrocher demain un emploi ou, tout simplement, pour le conserver ?

 

QUE NOUS RESTE-T-IL, À NOUS AUTRES LES HUMAINS ?

La question vous fait-elle peur ? Si ce n’est pas le cas, peut-être faites-vous alors partie de ces optimistes qui estiment que l’intelligence humaine restera pour longtemps encore insurpassable. Vous pensez que l’intelligence humaine, multiforme, discursive, tout à la fois créative, capable d’abstraction, de volonté, de sensibilité et dotée d’empathie n’aura pas d’équivalent artificiel de sitôt. Sans doute avez-vous raison. Mais combien de nos tâches quotidiennes exigent aujourd’hui une telle forme d’intelligence ? Quelles sont les compétences permettant à un individu de préserver son employabilité ? Quelles sont les compétences attendues aujourd’hui dans un monde de l’entreprise en quête d’innovation permanente. Voilà des questions concrètes sur lesquelles nous devrions tous nous interroger.

Assurément, les compétences permettant la réussite professionnelle au 21ème siècle ne seront plus les mêmes qu’au siècle précédent. Alors que les professionnels du 20e siècle faisaient appel à des compétences «automatisables», celles que l’on confie progressivement à l’IA, les prochaines années sont amenées à changer la donne. Et la révolution est déjà en marche. Ces vingt dernières années ont vu croitre l’importance de compétences comme l’aptitude à une communication efficace, fondée notamment sur la capacité d’empathie, les aptitudes à la collaboration ainsi que les capacités d’analyse. Nous parlons ici des soft skills. Il est désormais indispensable de savoir mettre en cause la fiabilité des informations que nous lisons, d’être créatif et curieux, de savoir travailler en équipe et de communiquer avec le bon niveau de discours. Face à la rapidité et à la variabilité de l’information, il faut s’adapter, prendre des initiatives faire preuve de discernement et, de plus en plus, être capable de surprendre.

Le concept de soft skills était il y a quelques années encore confiné aux rayonnages du développement personnel dans les meilleures librairies. Les ouvrages sur le Design Thinking, l’innovation, la collaboration, l’intelligence émotionnelle, etc. occupent aujourd’hui les linéaires réservés au management et à l’économie. Ces compétences doivent être repensées à l’heure de la nouvelle révolution industrielle. L’IA, le big data, l’internet des objets exigent de repenser les référentiels de compétences existants. Que sont les soft skills aujourd’hui ? Très simplement, ce sont les compétences qui seront demain intrinsèquement humaines ! Ou plutôt celles que nous allons volontairement réserver à l’homme, a contrario de celles que nous allons progressivement confier à la machine.

 

’AU-DELÀ DU DESSIN D’UNE FRONTIÈRE ENTRE INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET HUMAINE, CE SONT PROBABLEMENT LES CONTOURS D’UNE NOUVELLE ALLIANCE ENTRE L’HOMME ET LA MACHINE QUI SE DESSINENT.’’

 

Soyons un peu optimistes : on peut même imaginer que l’automatisation d’un nombre croissant de processus cognitifs ait pour conséquence de nous pousser dans nos retranchements proprement humains. Bien sûr il faudrait alors s’en réjouir.

 

ET POUR LES PROFESSIONNELS DE LA GESTION DE PROJET?

Permettez moi de transposer ce retranchement proprement humain à la science de la gestion de projet. Considérant les 10 soft skills les plus recherchés chez le chargé de projet aujourd’hui soit la créativité, la persuasion, la collaboration, l’adaptabilité, la gestion de temps, la communication et la négociation, le leadership, la gestion d’équipe, la gestion du risque et la vue d’ensemble, on comprend bien que la carrière des chargés de projet ne semble pas compromise au moins pour un certain temps. Perfectionner ses "soft skills" est à mon humble avis un excellent moyen de se distinguer de la masse à court terme et de l’IA à plus long terme.

 

Qu’en pensez-vous? Comment la pénétration graduelle des progiciels intelligents en gestion de projet changera t-elle les activités professionnelles du chargé de projet? La changera t-elle?

 

AU SUJET DES AUTEURS

Fabrice Mauléon est un expert français en Business Transformation, reconnu en France et à l’international. Auteur, speaker, consultant et professeur, il accompagne les entreprises sur la double problématique de l’innovation et du digital, en adaptant les approches et méthodes du design thinking, business models, etc. aux enjeux de l’Intelligence Artificielle en général et de la révolution digitale en particulier.

Pirmin Lemberger  est directeur scientifique chez weave, physicien théoricien de formation (EPFL), il anime la communauté IA. Ses tribunes paraissent dans IT for Business et le JDN ainsi que sur weave.eu  IA Lab, le site du cabinet. Il est l’auteur principal du livre Big Data et Machine Learning paru chez Dunod en 2016.

Roger Croteau est président et fondateur de PM Finder, une entreprise spécialisée en recrutement de professionnels pour la gestion de projet, Roger Croteau compte plus de 35 ans d’expérience dans le domaine. Il a occupé des postes de direction au sein de grandes organisations en télécommunications et en ingénierie, ainsi qu’au niveau municipal.